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LA VAGUE, histoire d'onde

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LA VAGUE, histoire d'onde Empty LA VAGUE, histoire d'onde

Message par fowly Sam 29 Oct - 11:03

La brume matinale traîne
paresseusement laissant à peine deviner les sommets du Luchonnais
encore endormis. La verrière de Peg-peg reflète un soleil déjà
franc alors que ses ailes luisent de rosée. Le ciel d'un bleu
intense ne laisse apparaître aucun signe du conflit qui devrait s'y
dérouler. Qui peut croire en constatant ce grand calme apparent que
la météo annoncée n'implique que turbulences ?

-« Vent de sud se renforçant
jusqu'à 100 Km/h en soirée »-

Les vautours familiers des régimes de
brise ne sont pas visibles sur les pentes, on a beau écarquiller les
yeux dans toutes les directions, ils ne sont pas là !




La manche à air pointe tristement vers
le sol et ne donne aucune confirmation du vent de sud, la brise
voudrait elle prendre le dessus ?

Comme pour vouloir le confirmer, les
premiers fractos se dégagent des crêtes. Le remorqueur part pour un
vol d’initiation, au retour son pilote nous donnera ses impressions
sur la masse d'air.

Les montures sont prêtes, les cochers
partent se restaurer.




Il n'est que treize heures quand la
manche à air commence à s'animer paresseusement en pointant son
écope vers les nord, le remorqueur propose d'y aller « pour
voir ».

A peine partis vers la raquette
01, qu'une rafale appuyée de sud nous rappelle à l'ordre. Le
pilote du remorqueur range son élingue ; Le DR 400 restera an
parking aujourd'hui...





Comme par magie, tout l'aérodrome se
réveille de sa léthargie. On peut observer un ballet digne d'un
porte-avions où machines et hommes se mêlent en une chorégraphie
délicate et précise.

Les mini-tracteurs tirent les grandes
ailes blanches deux par deux vers leurs point d'envol alors que la
« catapulte » commence déjà à dérouler ses câbles.
Ceux qui restent en attente sur le bord du « pont »
bichonnent leur machines, sanglent les parachutes ou courent chercher
qui une carte, qui une simple bouteille d'eau. Les radios de bord
égrennent leurs messages laconiques et les premières grandes plumes
décollent ne se laissant deviner que par le sifflement aigu du câble
d'acier les retenant pendant encore un court instant à la terre.




Peg-peg est le dernier de la liste, son
pilote est un bleu par ces conditions.

Il échange avec le cocher du biplace
qui le précède, une pro qui lui délivre les derniers conseils et
fini par le laisser dans la réflexion où se mêlent le sentiment de
confiance découlant d'une bonne formation et l'inévitable
appréhension du vol solo.

Son regard quitte à peine ceux qui
l'on précédé qui apparaissent de temps en temps au détours du
sommet sud du village de Casaris quand il agrafe son parachute,
heureusement ils semblent monter.

Le harnais serré à fond, la
check-list décollage effectuée, il appelle le treuil en donnant son
immatriculation pour tendre le câble.

L'attente lui semble maintenant
infernale tandis que son rythme cardiaque augmente, que son pouce
effleure l'alternat de la commande radio, espérant que ce parachute
de ce damné câble daigne avancer...




« TENDU ! »




l'accélération augmente comme
toujours de façon délirante pour le non initié, mais rassurante
pour lui : il peut effectuer la rotation qui va l'amener
progressivement jusqu'à un angle de 45°.

l’altimètre confirme par la vitesse
de rotation de ses aiguilles un taux de montée confortable alors que
le variomètre reste bloqué à fond en positif, la vitesse est
correcte. Tous les paramètres sont bons et le cœur a fini de
cogner. Déjà la tension se fait plus molle, il est temps de rendre
la main ; Il sait qu'il n'existe qu'une seule et unique façon
de bien faire et elle ne se mesure qu'au bruit que fait le crochet
quand il libère le câble. Le petit « clac » discret le
satisfait pleinement aujourd'hui mais le travail vient à peine de
commencer : il faut vite rentrer le train, annoncer l'altitude
de largage remercier et filer direct sur la pente.

Le point de repère signifiant le
retour immédiat est un poteau de ligne électrique à flanc de
coteau, il faut au minimum arriver à sa hauteur pour oser continuer
en rasant routes et villages à 120 Km/h.

Après une hésitation le variomètre
confirme la sensation ressentie par tout le corps : Peg-peg
entre enfin dans son élément en accélérant presque tout heureux
de la promesse que son cavalier lui fait : monter là haut !

Seulement pour l'instant il ne voit le
ciel que de loin, enfermé entre ces deux montagnes trop proches ou
il est véritablement indécent d'y trouver une ascendance due au
seul vent. La concentration est au maximum car le soleil est déjà
voilé par des nuages de formes inconnues en plaine, il faut donc pas
compter sur les thermiques, ces bulles de chaleur qu'affectionnent
tant aigles et vautours.

Peg-peg s'ébroue maintenant. Oh !
Il ne ressemble pas à un étalon espagnol, ses ailes ne rebondissent
pas sur l'air, elles plient gracieusement, ses ailerons seront
sûrement trop mous pour un chasseur, mais il conserve le caractère
doux et gentil que l'on concède au Haflinger. Son pilote sait qu'il
a des dents à rayer le parquet quand on le pousse un peu...




Maintenant presque arrivé au sommet,
la poussée dynamique se durcit tout en se rétrécissant.

La radio fuse de messages annonçant
altitudes et positions, pourtant il se sent seul, les autres sont
déjà partis vers d'autres versants plus prometteurs semble-t-il,
alors pourquoi ne pas tenter sa chance ?

En direction du col du Portillon, il
faut passer sous le vent de la station de Superbagnères ;
habituellement, ce versant de montagne donne une magnifique
ascendance dynamique par brise de nord, seulement aujourd'hui c'est
exactement l'inverse : le vent saute la station en provocant de
monstrueux rouleaux.

Dans cette incroyable turbulence,
Peg-peg semble avoir perdu le sens du vol. Ses instruments affichent
des valeurs hoquetantes et imprécises, seul l'altimètre condamne ce
choix : il tombe littéralement quelques centaines de mètres
avant l'entrée du col. Entre peur, allant et raison, le retour sur
le petit village de Casaris semble être la seule option, car le ciel
est vide d'autres ailes.




De retour sur la pointe du départ,
quelle ne fût pas la surprise du « bleu » de trouver une
poussée qui ressemble à un thermique ; En quelques tours bien
inclinés une altitude plus confortable permis de tenter à nouveau
l'aventure.

De nouveau, les rotors lui menèrent la
vie dure. Au passage sud du Portillon, un formidable coup de poing
plièrent les ailes, le variomètre accusât le coup en se bloquant
sur +5 m/s. C'était si incroyable qu'il tapotât sur l'instrument !
L'évidence se vit à travers la verrière, le sol fuyait !
L'altimètre, d'ordinaire bien paresseux, confirmait l'impensable :
l'aiguille des centaines de mètres progressait de façon bien
vulgaire vers le haut.




Les turbulences cessèrent tout à coup
et le temps comprendre ce qui se passait, il se sentit comme cloué
en plein ciel.

Immobile !

Tous les instruments donnaient des
valeur stables sauf l'altimètre qui n'en finissait plus de tendre
vers des valeurs interdites.

4000 mètres et soudain un message
radio : « fais attention, hein ? »

Il lui revint à l'esprit l'évocation
presque mystique du monstre des grandes hauteurs qui vous prive de
l'oxygène vital en vous endormant aussi insidieusement que
lentement. Ne pas céder à ce paradis euphorisant trop longtemps
sous peine de mort.

Dix petite minutes à se réciter une
table de multiplication ou les paroles d'une chanson pour ne pas
perdre la boule ! Est ce risible ? Alors que l'on navigue
tellement immobile, que seuls les froids instruments ramènent à une
réalité au delà de ce qu'ils indiquent ; Que l'indicateur de
vitesse minore la vitesse réelle, que le variomètre n'a jamais été
aussi calme et est pour une fois aux ordres du pilote !


Ce nouveau monde est étrange, il
procure des sentiments inconnus: une majestueuse chaîne de montagne
se fait château de sable, les si méchants rotors se font les
témoins d'immenses vagues invisibles mais à pourtant surfer, le
volume de vide qui vous entoure à perte de vue qui ramène au
ridicule de sa petite existence voire à la futilité des problèmes
que l'on peut se créer sur cette terre.

Cette terre si s'offre sous son plus
beau jour pour qui sait être contemplatif mais surtout se donne la
peine d'arriver jusque là.

Sentiment indescriptible de se trouver
en un lieu aussi silencieux qu'une église. Se sentir simplement
invité pour qui n'a pas l'âme du conquérant destructeur. Une
solitude bienveillante bien au delà du vil égoïsme latent, rampant
dans les basse couches.

Plénitude.


Une forme de paradis ?




La chaîne de l'Aneto dominant les
Pyrénées de sa blancheur enneigée n'est qu'a une portée de
tromblon maintenant, Peg-peg obéit au millimètre tout heureux de
galoper au royaume des chevaux ailés. Alternant toutes les dix
minutes entre les basse altitudes pour se ré-oxygéner et les phases
ascendantes, le petit pilote saute les ressauts faisant
indéniablement corps avec Peg-peg.

Il lui fallu faire un réel effort pour
regarder la montre : déjà deux heures de vol !

Le piège de la fatigue, il le connais
bien et céder à l'euphorie du moment serait bien tentant,
heureusement la morsure plus insistante du froid lui montre sa simple
condition d'être humain fragile : il est temps de rentrer et
dire au revoir à un monde qui il l'espère saura à nouveau
l’accueillir.




2800 mètres, demander les conditions
au sol. La réponse ne tarde pas confirmant un scénario violent.


2700 mètres, les turbulences
reviennent à peine masquées par la sortie du train d’atterrissage
et des aérofreins.

Cinq minutes d'une infernale descente
ou plus l'altitude décroît, plus Peg-peg gémit de toutes ses
membrures faisant penser qu'il n'est qu'un vieux voilier en bois qui
craque de partout en bravant la bourrasque.

Ce n'est pas lui qui veut échapper à
la main du cocher mais bien cet air qui ne porte même plus le
qualificatif de vent.


Une atmosphère nourrie d'explosions de
fureur qui ne veut plus rien laisser voler à part les feuilles
mortes.

Les instruments sont devenus fous, le
variomètre s'affole outrageusement en sautant des valeurs négatives
aux positives sans autre forme de procès, l'indicateur de vitesse
affichant tantôt les minimas tantôt la proximité de la limite de
manœuvrabilité. Seul l'altimètre accuse avec un calme relatif la
vertigineuse descente.

Le sol se rapproche et il est temps de
passer en « vent arrière » en réduisant momentanément
la vitesse, Peg-peg veut échapper à la main, proteste par toute
sorte de ruades mais obéit tant qu'il peut.

Le dernier virage en « PTU »
et la finale se font sous une pente démentielle.

Un seul objectif : le milieu de la
piste.

Dernier coup d’œil à la vitesse,
affolant : 150 Km/h.

Peg-peg passe à peu près droit
limitant ses embardées grâce à sa vitesse, il apponte très vite,
rebondit légèrement et roule très peu tous freins sortis et
serrés...




Le silence habituel du cockpit après
l'atterrissage est lui même absent, le vent souffle en rafales, on
ramène Peg-peg sans laisser le loisir au pilote de sortir avant que
la monture soit sécurisée.




Quelle aventure !


Si l'enfer doit se subir, le paradis se
gagne.


Vol d'onde sur Pégase le 26/10/2011 à Luchon
fowly
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Date d'inscription : 20/09/2011

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